Violette Dorange n’a pas de temps à perdre. Déjà plus jeune skippeuse à avoir traversé l’Atlantique en course et en solitaire lors de la Mini Transat 2019, la plus jeune femme concurrente de La Solitaire du Figaro en 2020 est en route pour boucler son deuxième Solitaire du Figaro. Son objectif ne se limite pas à cette course mythique. La Rochelaise de 20 ans a déjà mis le cap en direction du Vendée Globe. La navigatrice s’est confiée pour Le Sport au Féminin.
La skippeuse charentaise est pleine d’ambitions et les résultats sont là. Tous ses records de précocité impressionnent mais Violette Dorange montre tous ses talents de navigatrice au fil des courses. Après la 3ème étape de La Solitaire du Figaro qui l’a vu remonter des profondeurs du classement jusqu’aux portes du Top 10, l’étudiante en ingénierie à l’INSA de Rennes a été récompensée par le prix de la combativité Suzuki par le jury. Une reconnaissance pour ce prodige qui ne repose pas sur ses lauriers.
C’est déjà votre deuxième Solitaire du Figaro à seulement 20 ans, qu’est-ce qui vous attire dans cette course ?
C’est assez simple, c’est pour progresser et apprendre vraiment toutes les clés de la course au large et je vois vraiment ses années de Figaro comme une prépa avant de rentrer dans une école. C’est vraiment un endroit pour faire ses gammes et se confronter aux meilleurs skippers. C’est une belle épreuve.
Vous venez de terminer la 3ème étape ce jeudi (11ème sur 34), qu’est-ce que vous retenez de ses quatre jours en mer ?
Au début de cette troisième étape, j’ai eu un moment assez dur. Je me suis retrouvée dans une môle bloquée en Angleterre et j’ai pris 20 milles dans la vue avec quelques-uns. Juste à cause d’un petit choix stratégique, pas forcément très risqué mais on a fait un petit décalage qui nous a vraiment mis à mal au niveau résultat. Ensuite, je me dis que je suis derrière mais ne lâche rien. Le vent est un peu instable, ça peut encore changer. Je n’ai rien lâché et sur la remontée vers la bouée en dessous de Manchester, j’ai réussi à remonter un peu au classement.
Ça fait du bien au moral parce que sur les deux premières étapes ça a été un peu plus compliqué »
Je suis passée de 30ème à 26ème puis après j’ai réussi à revenir dans le paquet. Toute la nuit pendant la redescente vers la France j’ai grimpé, j’ai continué ma stratégie habituelle et de naviguer comme je sais le faire. Petit à petit, ça a payé, j’ai fait les bons choix stratégiques et ça a marché pour remonter à la 11ème place. Je suis assez contente parce que j’ai eu l’occasion de rejouer avec le paquet de tête dans les derniers jours et une fois que j’y étais, j’ai fait ce que je savais faire et ça a marché. Ça fait du bien au moral parce que sur les deux premières étapes ça a été un peu plus compliqué, j’avais navigué de la même façon mais je n’avais pas eu de réussite donc je suis contente que cette étape elle paye.
Qu’est-ce que vous attendez pour la dernière étape qui démarre ce dimanche ?
Ça m’a fait remonter à la 20ème position au classement général et mon objectif c’est le Top 20 donc je suis dedans. L’objectif pour la quatrième étape, c’est de continuer à naviguer comme je sais le faire, à être rigoureuse et à essayer de tout comprendre. Pour l’instant, je trouve que je navigue plutôt bien. Parfois ça ne passe pas mais je suis contente de ce que je fais donc continuer de naviguer comme ça et essayer de faire un beau départ comme sur la troisième étape. Il ne faut rien lâcher parce que ça va être une grosse étape encore où il risque de se passer plein de choses.
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Comment vous est venue votre passion pour la voile ?
Ma famille m’a mis à la voile. Je suis la plus petite de la famille et les trois enfants ont fait de la voile. J’ai commencé avec de l’Optimist, je n’aimais pas trop ça au début. J’aurais préféré faire de l’équitation ou de la danse. J’ai commencé les compétitions, ça m’a fait beaucoup voyager, j’ai appris énormément de choses, ça m’a fait découvrir pleins de choses et je me suis rendu compte que c’était génial.
J’ai également fait les deux petites traversées en Optimist de la Manche en 2016 et de Gibraltar en 2017, ça m’a donné le goût de l’aventure »
J’aimais la compétition donc j’ai continué au lycée où je suis rentrée en sport étude en 420. On a fait les championnats du monde avec ma coéquipière, on a fait de beaux voyages et de belles courses. Les championnats du monde ISAF, ce sont un peu les mini JO quand on est jeune et ça m’a vraiment marqué, ça m’a donné envie de continuer après le lycée. J’ai également fait les deux petites traversées en Optimist de la Manche en 2016 et de Gibraltar en 2017, ça m’a donné le goût de l’aventure. C’est venu petit à petit. Au début, c’était juste un sport puis après je me suis dit que ce serait bien de continuer après le lycée. Depuis ma Mini Transat en 2019, je me suis dit que j’adorais la course au large et c’est vraiment devenu une passion à ce moment-là et une envie d’en faire un métier.
Qu’est-ce que la voile vous apporte dans votre vie de tous les jours ?
Ça apporte beaucoup mentalement. Depuis le début, il faut être résilient parce qu’en mer, ils nous arrivent des choses vraiment dures. Il faut donc apprendre à ne rien lâcher, à se dépasser et à vaincre ses peurs. Quand j’ai commencé la course au large, les premières tempêtes sont vraiment impressionnantes et ça fait vraiment peur.
Dans la voile, les femmes sont encore une minorité, qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que les femmes se rapprochent du monde de la voile ?
J’essaye de partager mon projet. Samantha Davies et Ellen MacArthur sont des exemples et je me suis toujours dit que ce sont des petits bouts de femmes, Ellen MacArthur n’est pas très grande, et pourtant elles arrivent à faire le tour du monde et à monter des grands projets. Ce sont ces exemples-là qui donnent du courage. C’est aussi un sport où tout le monde est capable de rivaliser et qu’il n’y a pas que le physique qui compte.

Vous faites des études d’ingénierie, comment vous gérez les études et la voile ?
Ça demande de beaucoup travailler les week-ends et pendant les vacances. Il y a peu de temps libres mais je suis dans une école où les sportifs sont vraiment pris en compte. L’école me permet de bien aménager mon emploi du temps, de partir pendant des mois et de revenir pour passer le partiel. C’est vraiment bien, il s’adapte.
Comment faîtes-vous pour vous détacher de la voile et de vos études ?
Les études me font un peu sortir de la voile. La voile, c’est parfois pas mal de pression et les études c’est un peu l’endroit où je retrouve des amis et où je m’amuse un peu. Je sors la tête de tous ces projets.

Quels sont vos prochains objectifs ?
Le gros projet c’est d’aller au Vendée Globe 2024 avec la Fondation Apprentis d’Auteuil et avec tous les partenaires qui sont déjà présents. La Solitaire du Figaro me sert pour me préparer au Vendée Globe.
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Le Figaro c’est le support idéal où on peut apprendre et on peut commettre des erreurs »
Comment se prépare un Vendée Globe ?
Le premier critère qui est le plus difficile, c’est de trouver des partenaires. Je suis encore en recherche d’un partenaire majeur. Sur la partie sportive et technique, ça passe par le Figaro parce que les IMOCA ne sortent pas beaucoup dans l’année et s’il y a des problèmes ça coûte tout de suite plus chère avec de grosses conséquences. Le Figaro c’est le support idéal où on peut apprendre et on peut commettre des erreurs. On navigue quasiment toutes les semaines, c’est le meilleur support pour apprendre.