L’Iran participent actuellement à son premier Mondial de handball. Dans le même temps, les Iraniennes sont devenues les premières femmes du pays à participer à une Coupe du Monde tous sports confondus. Une première historique et un pas symbolique vers le développement du sport féminin dans ce pays.
Les Iraniennes ne rivalisent pas avec leurs adversaires mais réalisent un grand pas symbolique. Les joueuses d’Ezzatollah Razmgar sont rentrées dans l’histoire en devenant la première équipe féminine iranienne à participer à un Mondial tous sports et catégories confondus. Une performance remarquable qui est notamment possible grâce à l’élargissement de la compétition à 32 équipes. Au pied du podium aux Championnats d’Asie en septembre dernier, les Iraniennes ont décroché leur premier ticket pour les phases finales. Au milieu des grandes nations comme la France, les Pays-Bas ou la Norvège, l’Iran semble un peu à l’étroit mais a réussi à marquer de son empreinte le Mondial.
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Fatemeh Khalili Behfar, joueuse du match contre la Norvège
Après une défaite inaugurale contre la Roumanie (39-11), les coéquipières de Shima Zare ont affronté les championnes d’Europe en titre et n’ont pas faut poids. Avec une cinglante défaite 41-9 contre les Norvégiennes, les Iraniennes ne sont pas à la fête sur le terrain. Pourtant, elles ont de quoi se réjouir puisque la gardienne iranienne Fatemeh Khalili Behfar a reçu le trophée de joueuse de la rencontre. Déjà auteure de nombreuses parades, la portière de 25 ans a fait de son mieux pour préserver sa cage face aux assauts scandinaves. Émue au moment de recevoir son trophée, la gardienne iranienne a célébré cette distinction avec ses coéquipières mais également avec ses adversaires. Les Norvégiennes ont tenu à prendre une photo de groupe pour immortaliser le moment et quelques larmes ont coulé de leur côté également.
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« À la fin, nous avons vu à quel point cette distinction était importante pour elles, a ajouté l’arrière Veronica Kristiansen à la chaîne danoise TV2. C’est exactement pour ce genre de moments que nous jouons, c’était fantastique de voir cela. Beaucoup d’entre nous avaient les larmes aux yeux, c’était une scène dont nous nous souviendrons. Vous inspirez beaucoup de femmes en Iran, vous leur dites de poursuivre leurs rêves. C’était merveilleux. » Les médaillées de bronze à Tokyo attendaient cette rencontre pour fêter le handball dans sa diversité : « J’attends ce match avec impatience, a livré Thorir Hergeirsson, le coach islandais de la sélection norvégienne au site Aftenposten. Pour les femmes musulmanes, c’est merveilleux. Il s’agit d’un événement historique. »
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Fatemeh Khalili Behfar ne s’arrête pas là puisqu’elle continue d’être décisive dans les buts iraniens. Malgré l’élimination au premier tour, l’Iran continue son aventure avec la Coupe du Président qui réunis toutes les équipes déjà éliminées. Après 4 rencontres, la gardienne iranienne est la quatrième gardienne du Mondial en termes de nombre d’arrêts (47) avec un ratio de 31% (47 sur 152 tirs). « Je suis si content pour elle, a déclaré Ali İhsan Tekin, son entraîneur en club. C’est une femme respectueuse, calme et de devoir. Elle travaille beaucoup. Même si elle reçoit 180 tirs pendant un match, ça ne sera pas un problème, parce que c’est une personne qui adore son boulot et adore travailler. »

Une sélection dans l’anonymat dans son pays
Une performance remarquable pour une des rares joueuses de la sélection qui ne joue dans le pays. Comme deux autres coéquipières (Nourieh Abbasi et Elnaz Ghasemi), elle évolue en Turquie avec Antalya Anadolu Spor Kulübü. Celle qui s’entraîne au quotidien dans la station balnéaire au sud de la Turquie a dû changer d’atmosphère avec la sélection. Dans la République islamique, la place du sport féminin reste encore très limitée et la médiatisation de leurs exploits ne sont pas retransmis à la télévision. « La télévision d’Etat ne montre pas les matchs et ne couvre même pas les événements sportifs féminins, a clarifié Reza Mohaddes, journaliste sur la chaîne indépendante Iran International à 20 Minutes. En Iran, on a juste droit à de rares photos des joueuses iraniennes [les joueuses adverses sont censurées car non couvertes]. La seule façon de voir des images de ce championnat du monde, c’est sur les réseaux sociaux, avec un proxy, car sinon, c’est bloqué. »
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La Team Melli Zanan n’a pas bénéficié de préparation, ni de terrain d ‘entraînement ou de matchs amicaux avant de se lancer sur la scène internationale. Une entrée dans le grand bain sous surveillance puisque le régime interdit aux joueuses de répondre aux questions de certains médias étrangers ou aux médias dits d’oppositions. Elles sont également encadrées par un agent de sécurité du ministère des Sports. « C’est fait pour les contrôler, pour leur interdire de parler à certains médias étrangers, pour leur interdire de sortir, de faire la fête, poursuit Reza Mohaddes à 20 Minutes. Dès qu’un sportif ou une sportive sort d’Iran pour une compétition, il est obligé de laisser une caution très élevée pour l’obliger à rentrer au pays et éviter des cas comme le judoka Saeid Mollaei [médaillé d’argent à Tokyo sous les couleurs mongoles]. Au Mondial, les handballeuses sont dans une sorte de bulle. » Les Iraniennes vivent donc chaque moment de joie comme une véritable libération. Il leur reste quelques jours et quelques rencontres pour profiter encore un peu de l’atmosphère du Mondial avant de faire leur retour dans l’anonymat en Iran.