Romane Dicko n’est pas revenue les mains vides de Tokyo avec deux médailles olympiques, la médaille de bronze en individuel dans la catégorie des plus de 78 kg et la médaille d’or en équipe mixte. Depuis les Jeux Olympiques, la judokate de 22 ans a pris un peu de repos et va repartir dans la course pour participer à Paris 2024. Avant le début des choses sérieuses, Romane Dicko s’est confiée pour Le Sport au Féminin à l’occasion des Sportel Awards à Monaco.
La double championne d’Europe (2018 et 2020) l’évoque quasiment tout le temps, son objectif est la médaille d’or en individuel à la maison. Pleine d’ambitions après un été réussi, Romane Dicko va repartir au combat pour tenter de ramener deux médailles d’or en 2024.
Comment avez-vous traversé ces dernières semaines ?
C’était très agité. C’est vrai qu’on a eu un mois post-JO très mouvementé mais tant mieux, on profite, ça fait plaisir de se dire qu’on a fait nos médailles. C’est pour ça aussi qu’on a des invitations et qu’on est sollicité. Les camps ont repris donc je suis redescendu tranquillement. On profite, en tout cas je profite ma médaille et je me dis : « purée, je suis médaillée olympique ! »
Ah oui les Jeux c’est un truc de ouf, c’est une autre dimension.»
C’est une nouvelle notoriété qui commence. Les Jeux Olympiques apportent quelque chose en plus ?
C’est vrai, on a bien vu que les Jeux était une autre dimension, ce n’est pas comme un Championnat d’Europe ou un Championnat du monde, c’est quelque chose de plus. On a passé ce petit cap même si on ne s’est pas forcément rendu compte sur place parce qu’il n’y avait pas de public. Mais quand on est rentré en France, quand on a vu le Trocadéro ou l’ambiance dans la rue quand on s’arrêtait, on s’est dit : « Ah oui les Jeux c’est un truc de ouf, c’est une autre dimension. » Je suis médaillée olympique donc j’ai passé ce cap et j’espère rester longtemps en haut.
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Personnellement, vous avez ramené une médaille d’or et une médaille de bronze, on peut dire que ce sont des Jeux Olympiques réussis ?
Forcément, deux médailles, c’est ouf, dont le titre en équipe. J’ai encore faim de la médaille d’or en individuelle dans trois ans et je suis sorti de Tokyo un peu frustrée quand même. J’ai eu un peu déception après il y avait une place de trois donc on se dit qu’on a réussi la médaille. On est parti la chercher mais on a quand même faim de l’or en individuelle. J’avais faim de l’or donc j’aurais faim de l’or dans trois ans et j’espère m’entraîner encore plus fort et faire le doublé en or à Paris.

Il y aura une année en moins pour se préparer, est-ce que vous trouvez que c’est bien ou que ça arrive vite ?
Ça va arriver vite, même très vite surtout par rapport à Tokyo. L’attente était très longue, on ne savait pas si les Jeux allaient être maintenus ou décalés. La préparation a été très compliquée surtout que l’attente pour Tokyo était vraiment longue et on se dit que Paris ça va allait vite. J’espère que ce sera simple en tout cas, pas aussi compliqué que Tokyo. Ce sera à la maison donc il faudra que je sois prête mais ça fait plaisir et on a vu l’engouement des Français autour de Paris. On a vu en rentrant que les Français avaient hâte de ses Jeux, avaient hâte de nous soutenir et même nos familles nous ont manqués sur place. Je veux être à Paris dans trois ans. Je veux ramener le titre à Paris et je vais tout mettre en place pour.
Je me dis qu’à Paris ce sera le feu.»
Quel est votre programme pour les semaines à venir ? La préparation commence dès maintenant ?
C’est la reprise après deux mois de vacances. J’ai coupé pendant un mois complet et ça fait trois-quatre semaines que j’ai repris l’entraînement pour reprendre la forme. Je n’ai rien jusqu’à janvier à part peut-être les Championnats de France par équipes. C’est pour refaire du jus, pour reprendre un rythme d’entraînement intensif et reprendre après les Jeux Olympiques parce que c’était très compliqué à Tokyo. En février, il y aura le Tournoi de Paris donc on sera tous à Paris pour faire un début d’olympiade à la maison pour marquer les esprits. La course commencera en avril ou mai 2022 donc ça va aller très vite. On aura deux ans mais ce sera une course super kiffante parce qu’on voudra tous être à la maison et combattre sur le tapis sous la Tour Eiffel en plus.
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Le prochain objectif est donc d’aller gagner au Tournoi de Paris ?
Bien sûr, l’objectif c’est gagner Paris. Je pense qu’il faut prendre tout ce qu’il y a prendre, ça fera du bien au mental, ça fera du bien au corps de reprendre les sensations de la compétition. On est des compétiteurs, c’est pour ça qu’on vibre donc on veut gagner partout où on va. J’espère que je vais gagner Paris et toutes les compétitions suivantes. En tout cas, toutes ses compétitions vont me servir pour préparer les Jeux à la maison. On prendra tout ce qu’il y a prendre et on fera tous ce qu’il faut pour réussir.
Une équipe c’est tellement important qu’il ne faut pas la négliger et donc il faut dire on. »
Vous employez souvent « on »…
(Sourire) Quand je dis « on », je parle de moi, de mes entraîneurs, des médecins, de mes proches, c’est vraiment un travail d’équipe. Il y a une dimension d’équipe surtout pour moi qui ai été énormément blessée pendant cette olympiade. J’avais à mes côtés le kiné, le médecin et mon entraîneur. On a vraiment marché ensemble main dans la main et pour moi je le dis, c’est une médaille d’équipe. Ce n’est pas qu’une médaille individuelle, elle vient récompenser l’équipe qui est autour, qu’on ne voit pas forcément sur le tapis mais qui était dans les gradins, qui était aussi à la maison parce que la famille est très importante. C’est eux qui pleuraient avec moi quand je me suis blessée, c’est eux qui ont souffert quand j’étais frustrée de ne pas combattre. Ils ont tout vécu avec moi en intensif et c’est vrai que quand tu performes, tu penses à tous ceux qui étaient à tes côtés pour ses performances et c’est vraiment une équipe. Une équipe c’est tellement important qu’il ne faut pas la négliger et donc il faut dire « on ».

Est-ce que vous avez réalisé l’un de vos rêves avec ces deux médailles ?
S’il y a cinq ans, on m’avait dit : « Romane tu signes tout de suite pour deux médailles olympiques », j’aurais signé. Parce que personne n’aurait pu savoir ce qui allait se passer en plus avec le Covid donc la préparation était très compliquée, elle n’était pas optimale. Il y a eu des compétitions annulées ou pour certaines on est rentré parce qu’il y avait des cas Covid, c’était vraiment une préparation spéciale. C’était les Jeux du Covid, des Jeux spéciaux mais qu’on a apprécié autrement.
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Pour moi, mon âge de forme ce sera à Paris.»
J’avais connu Rio mais dans les gradins. Avec mon club, j’étais dans les gradins donc j’avais connu cette ambiance, la fête dans les gradins pour célébrer un titre olympique. C’était bizarre de ne pas voir cette ambiance que j’avais vécu en tant que spectatrice mais je me dis qu’à Paris ce sera le feu. Il y aura tous nos proches, toute la France qui sera là et j’ai hâte et après on pense à tous ce qu’on doit faire pour y arriver. On a envie d’y aller. C’est vrai que quelquefois on peut se dire « Est-ce que tu veux repartir ? » Je suis jeune donc forcément je veux repartir. Pour moi, mon âge de forme ce sera à Paris et je ne pourrais faire que mieux qu’à Tokyo. Je vais m’entraîner tous les jours pour ça.
Je pense qu’à un niveau, on est tous prêts.»
Ça ne vous fait pas un peu peur cette rigueur ?
Ça ne fait pas peur parce que la rigueur ce n’est pas maintenant qu’on la travaille. Je pense que pour arriver à ce niveau-là, on est tous hyper rigoureux. Le sport de haut niveau c’est très dur. Il faut s’entraîner tous les jours et tu n’es pas sûr de performer, il faut remonter quand tu tombes. Il faut être prêt mentalement et physiquement, je pense que sans rigueur, on n’y arrive pas. Je pense qu’à un niveau, on est tous prêts. Ce sont les détails qui vont compter. Il faut être prête à prendre des claques parce que c’est ça aussi l’entraînement, ce n’est pas toujours tout beau, tout rose. Il faut le vouloir, il ne faut jamais oublier l’objectif final et là c’est Paris dans trois ans. Quand on y pense, on se relève parce qu’on sait pourquoi on s’entraîne et on a faim de médaille et du titre.
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Avez-vous confiance ?
J’ai confiance mais pas trop. Il ne faut pas avoir trop confiance. Le sport de haut niveau, c’est vraiment un juste milieu entre être confiant dans tes capacités et rester prudente parce qu’on peut se perdre si on a trop confiance. Il ne faut pas être orgueilleux, il faut un peu d’ego parce que c’est un sport de combat mais sur le tapis, tu peux te prendre un ippon en dix secondes. Il faut être en confiance, pas trop orgueilleux et tout simplement resté focus sur son plan de match.
Bastien Boname et Romain Boisaubert