Tout n’a pas toujours été simple pour Clémence Beretta qui est passée, plus jeune, par une période de burn out. Mais la spiritualité lui a permis de s’ouvrir à un univers nouveau qui l’amène depuis vers une progression flagrante.
Récente championne de France du 10km marche, en juin dernier, elle s’est confiée pour Le Sport au Féminin. Elle nous raconte ses périodes de doutes mais également la renaissance qu’elle a vécue et son épanouissement en temps qu’athlète de haut niveau.
La marche athlétique est un sport atypique, comment vous est venue l’idée de vous y inscrire ?
Mon papa est le président de mon club donc l’athlé c’est quand même omniprésent à la maison. Dans mon club je me sentais vraiment bien. Je pense qu’il avait une force particulière, puisqu’il permettait aux jeunes de choisir la discipline qui leur plaisait le plus, en les proposant toutes dès le plus jeune âge. En école d’athlé, j’ai tout pratiqué, même celles que je n’appréciais pas forcément, et puis on m’a présentée la marche. C’était dans cette discipline que je me sentais le mieux, que j’avais un feeling très naturel.
« Je suis totalement métamorphosée. Je suis dans le bien-être et ce qu’on pourrait appeler la spiritualité. »
Finalement, ça a débuté de manière plutôt intuitive je dirais, sans trop se poser de question. Dans mon club, il n’y avait pas de groupe spécifique à la marche athlétique. Ce qui fait que jusqu’à mon entrée au CREPS j’étais vraiment rattachée au groupe de demi-fond du club. Mais en compétition, j’aimais bien m’exerçais en marche donc parfois, à l’entraînement, mon père me disait de faire un peu de marche pendant la séance. Mais ce n’était pas mon entraînement principal. Avant les compétitions, je me remettais à marcher.
Par la suite, vous intégrez, presque malgré vous, le CREPS de Nancy. Comment cela se passe-t-il ?
Tous les gens qui sont dans les structures de sport de haut niveau, sont pour la plupart déjà à un bon niveau en intégrant le pôle. Ils sont motivés par ça pour devenir meilleur. Dans mon cas, ce n’était pas du tout ça, je ne savais même pas que des pôles France existaient. J’ai seulement voulu partir faire mes études à Nancy, et on m’a orienté vers le pôle de marche. Il y avait 10 000 façons que ça puisse ne pas me convenir ni me plaire.
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Le groupe de fille que j’ai rejoint avait un an d’étude ici, donc j’étais la nouvelle. Musculairement, le premier mois ça a vraiment été compliqué, je n’avais pas l’habitude de marcher tous les jours et quand je le faisais c’était pour des petites séances. Je manquais cruellement de foncier, j’étais souvent en surrégime pour essayer de suivre les autres filles. La marche s’est imposée à moi, mais finalement, on s’est bien entendu.
En 2017, la nouvelle recordwoman de France du 10 000m marche fait un burn out. Finalement elle en ressort transformée, sa nouvelle vie peut commencer…
Au lycée, je faisais souvent des petits malaises avec de la tachycardie. J’avais l’impression que mon corps me lâchait mais je ne comprenais pas pourquoi. C’était les signes précurseurs de mon burn-out qui a eu lieu en 2017, ça a été la traversée du désert. On ne comprend pas ce qui nous arrive. Par protection, il y a un déni très fort qui s’installe jusqu’au diagnostic.
Finalement, il n’y avait rien qui allait dans ma façon de faire, de penser et d’être. Je fonçais droit dans le mur, j’étais une bombe à retardement. Depuis, c’est une nouvelle vie, ça m’a ouverte vers un nouveau monde de possibilités. Parfois, il faut se prendre une énorme claque dans sa vie, pour devenir la personne avec laquelle on doit être alignée, avant je n’étais pas du tout dans cette optique. Je vivais ma vie en décalage avec moi-même, j’avais un comportement très destructeur.
Comment perceviez-vous cette tendance du développement personnel avant cet épisode de votre vie ?
Avant lorsqu’on me parlait de yoga et de méditation je pensais à des gens tarés, alors que maintenant je suis très perchée moi-même. Je n’expose pas ça sur les réseaux sociaux, car pour les sportifs de haut niveau l’hypnose et la méditation sont des pratiques encore trop connotées. Je suis totalement métamorphosée. Je suis dans le bien-être et ce qu’on pourrait appeler la spiritualité. Je suis entièrement connectée à moi.
« Me détacher de mon entreprise pour laquelle je suis assistante marketing, pour faire de la marche mon métier est un vrai objectif. »
Le pouvoir du mental sur le corps est hallucinant, et pas seulement dans le sport d’ailleurs ! J’écoute des centaines de podcast et de livres qui parlent du pouvoir du mental et de ce à quoi on peut accéder. On se rend compte qu’on est bourré de croyances limitantes qui nous empêchent de croire en nous et d’accéder à des capacités qu’on a tous. Désormais, j’ai une grande gratitude face à cette période de ma vie. Ça m’a fait un électrochoc, et à l’issu de ça tout s’est déployé.
Actuellement, vous êtes semi pro, pensez-vous à vous à devenir athlète pro ?
Me détacher de mon entreprise pour laquelle je suis assistante marketing, pour faire de la marche mon métier est un vrai objectif. Pour cela il faudrait que je trouve plus de partenaires ou bien que mon patron me propose un meilleur détachement. Il y a certaines sociétés, qui comme La poste, détache à 100% leurs athlètes.
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Dès que j’ai l’opportunité de complétement me professionnaliser, je ne vais pas hésiter. Si je veux tendre vers le haut niveau, c’est indéniable il faut se donner les moyens d’y parvenir. Un mi-temps ce n’est pas idéal pour une discipline de longue distance comme la mienne, pour la récupération c’est sûr que ce n’est pas top. Bien que la marche ne soit pas médiatisée, je pars du principe que l’on est acteur de son projet. Il faut se donner les chances de se vendre.
Vous visiez les JO de Tokyo, qu’est-ce que vous retirez de cette préparation ?
C’était la cerise sur le gâteau. On savait que ça aillait être juste pour cette année parce qu’il y a eu pas mal de blessures entre janvier et mars au niveau des pieds. Ça m’a causé beaucoup de retard, ensuite j’ai eu des problèmes de communication en interne avec mon coach. La force est montée assez tard, c’est à partir de juin que tout s’est mis en place, je l’avais dans les jambes. Si je ne suis pas qualifiée c’est que c’était trop tôt. J’ai encore des choses à apprendre et à construire sur les futures années. J’ai déjà les yeux rivés sur les championnats du monde de l’année prochaine et sur Paris 2024.
Que représente Paris 2024 pour vous ?
J’aimerai vraiment arriver dans la force de l’âge. J’espère encore progresser énormément sur le 20 km. Cela va peut-être paraître présomptueux mais j’aimerai fait moins d’1h 30. Je ressens la pression de la ville et des différents partenaires car ils n’ont pas forcément la notion du haut niveau.
« Quand je dis « je dois » ma psy me reprends et me dit « non, tu ne dois rien. »
Ils font rapidement le raccourci avec la médaille aux Jeux, sans mesurer l’immensité du travail demandé pour faire partie des dix meilleures du monde. Pourtant, d’un autre côté, je travaille beaucoup sur le lâché prise et la nécessité de me concentrer sur moi. Quand je dis « je dois » ma psy me reprends et me dit « non, tu ne dois rien ».
Est-ce que vous pouvez revenir pour nous sur les Championnats de France Elite à Angers, de juin dernier ?
J’avais envie de prendre ma revanche. J’étais déçue de ma course des championnats de France 2020, décalés à cause de la Covid-19 en septembre dernier. Ça a été très dur de ne pas remporter ce titre, puis je suis passé à côté des Frances hivernaux à cause d’une blessure. Ça m’a boosté, coup sur coup il fallait que je réagisse. Je savais pourquoi j’étais venue, pour terminer ce cycle de six ans au CREPS avec mon coach, sur une bonne note.
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Ce jour-là, rien ne pouvait m’arrêter. Avec les filles, on était trois dans un mouchoir de poche mais je n’avais qu’une seule idée en tête : faire le trou. J’avais une rage en moi qui me disait que j’étais imbattable. Au 8ème tour, j’attaque, à ce moment-là c’est écrit : personne ne me rattrapera. J’étais une bête de compétition, je me suis vraiment transcendée. Depuis un moment, j’avais la volonté de claquer un gros 10km, parce que je sais que c’est un format qui me correspondait. C’était le jour ou jamais ! Je sais que je peux encore mieux faire.
Et sur record de France, vieux de 20 ans, en 44’47’77 ?
J’avais regardé le chrono la veille de la course, je le trouvais accessible. Je m’étais dit que tout reposerait sur la manière dont la course se déroule, si les filles sont là pour le titre ou pour le temps. Je ne pensais plus au temps parce que j’ai senti qu’on n’était pas parties sur des bases rapides. Pourtant au dernier tour, il reste 400m et je vois le chrono ! Je fais un tas de calcul dans ma tête et je me suis dit « Let’s Go ! » Quand j’arrive aux 200 derniers mètres, j’aperçois le chrono et là, j’exulte intérieurement.